top of page

YANN GAVINELLI

 Aujourd’hui, nous avons la chance d’échanger avec Yann, un des fondateurs de l’association. Impliqué dans un projet aux îles Marquises, il nous livre son expérience, sa vision sur l’actuelle problématique des semences.

" Il est urgent de placer l'humain et la nature au cœur de nos préoccupations, et l'économie à leur service. S'obstiner à maintenir le profit illimité et la croissance indéfinie comme fondement de l'ordre mondial est totalement suicidaire. "Pierre Rabhi

 

 

 

 

- Bonjour Yann, et merci pour le temps que tu nous accordes. Peux-tu d’abord nous dire qui est tu ? te présenter en quelques mots, tes aspirations, ton cheminement et comment en es tu arrivé à créer ton association ?

 

J’ai passé ma vie à voyager avec pour objectif, de découvrir d’autres cultures et d’autres façons de vivre. Je désirais élargir ma compréhension du monde et en retirer un enrichissement personnel. Au fil de mes rencontres j’ai constaté que les peuples qui exploitent leur environnement avec intelligence, vivent de façon harmonieuse. En ayant une connaissance des plantes et des ressources naturelles dont ils disposent, ils accèdent à une autosuffisance alimentaire et à un confort de vie sain et serein. En vivant en phase avec la nature, ils se construisent une cohésion sociale, culturelle et économique où chacun trouve sa place. Il en ressort une qualité de vie bénéfique en tout point. Cette façon de vivre en symbiose avec la nature m’a séduit et j’ai donc appris au contact des petits paysans et paysannes au cours de mes voyages en Afrique, dans l’Océan Indien et le Pacifique sud. Puis j’ai souhaité mettre en application mes connaissances et les partager, les transmettre. J’ai donc créé une association avec mon frère, pour parfaire nos connaissances tout en partageant notre expérience par l’intermédiaire de notre site internet. Petit à petit nous avons été contactés par diverses organisations et associations dans le monde, pour leur apporter notre aide et partager nos savoirs. Du coup, je suis devenu formateur en autonomie alimentaire et économique. Ce qui signifie que j’apprends aux gens à pratiquer une agriculture familiale écologique ; à être le plus autonome possible au point de vue alimentaire et énergétique, et à transformer et utiliser les produits issus de notre environnement pour notre confort personnel et pour développer une économie dite de subsistance."

Est ce que cela signifie pour toi que les personnes qui élaborent des plans agricoles sans avoir baigné dans ce monde sont excommuniés de la réalité paysanne et donc que la portée de leurs actions, lois expliquent la soidisant insuffisance alimentaire? Un mot aussi sur les spéculations et la volatilité des prix orchestré par certains groupes, certaines banques?

En fait il faut prendre conscience que l’agriculture conventionnelle, celle-la même qui exploite de très grandes surfaces de terre, pratique la monoculture. Cette activité ne génère que très peu d’emploi, et en outre est nuisible à l’environnement. Ce sont d’abord ces paramètres qui se trouvent être au cœur du problème de l’autosuffisance alimentaire. C’est cette agriculture qui approvisionne la chaîne alimentaire mondiale (l’agro-industrie). Au niveau du marché mondial elle ne produit que 30 % des aliments, et ceux-ci sont destinés à l’exportation dans la majeure partie. Les pays sont dans l’obligation de faire importer des aliments (riz, farines, produits laitiers, etc.). Si les frontières économiques d'un pays se ferment, la famine sévira dans les jours qui suivent ! En Europe, les productions locales n'étant plus soutenues par les états, l'autonomie alimentaire se réduit. La dépendance alimentaire profite aux multinationales, aux banques et aux spéculateurs. Et le problème de la faim dans le monde persiste et s’aggrave.

Un mot sur la révolution verte? Qu'en penses-tu? Cette révolution porte-t elle ses fruits?

La révolution verte à très certainement contribué à une prise de conscience collective quand à l’importance de passer à une agriculture plus écologique. Le problème, c’est que l’agriculture dite biologique, est pratiquée de façon commerciale. Non, la vraie révolution, elle se développe maintenant, avec tous les acteurs qui contribuent à la souveraineté alimentaire en pratiquant l’agro-écologie. En France, les crises économiques ont appauvrit la population, et la politique d’austérité que nous subissons, pousse de plus en plus de gens à cultiver son potager. Certains font des jardins partagés, d’autres s’associent pour acheter des terres et devenir paysans ou vivre en groupe, mouvement où chacun contribue au bien-être non plus de l’individu, mais de la communauté

. Il y a un réel  changement de comportement social d’habitudes alimentaires, d’hygiène de vie et dans les rapports avec la nature. Partout dans le monde, l’agriculture familiale est génératrice d’emploi. Au Burkina Faso, des groupements de femmes et de jeunes se forment pour pratiquer une agriculture familiale qui sert les villages. Les bénéfices sont utilisés pour construire une école, creuser un puis, etc. Cela développe une économie locale et une cohésion sociale. Au Costa Rica, l’agro-écologie familiale est le cœur de la politique économique et elle assure une souveraineté alimentaire respectueuse des hommes et de la terre. En adoptant une gestion agricole familiale, les peuples réapprennent à vivre avec leur environnement. Ils s’harmonisent avec la nature, ils en tirent tous les bénéfices – alimentaire, économique, santé, cohésion sociale, développement durable – ils retrouvent une qualité de vie emprunte d’identité culturelle. L’être humain fait partie du monde du vivant, il à le droit d’en jouir et le devoir d’assurer sa pérennité."

- On sait que les semences font partie d'enjeux à la fois alimentaires, nutritionnels, environnementaux, économiques et sociaux? ces enjeux sont ils conjugables ensemble? Le problème des semences pose aussi le problème du droit à la souveraineté, peux-tu nous en dire plus dessus? pour toi quel est le problème majeur auxquels sont confrontés les paysans quant aux semences? Selon ton expérience, les paysans sont ils réticents aux semences améliorées? si oui, pourquoi? Ici en Fance, les agriculteurs n’ont pas le droit de reproduire la plupart des semences industrielles, à l’exception d’une vingtaine d’espèces ... Pour commercialiser ou même échanger à titre gratuit une semence ou un plant, la variété à laquelle ils appartiennent doit être inscrite au catalogue commun? une reproductibilité donc standardisée? Avez-vous le même problème aux Iles Marquises?

Les semences paysannes s’adaptent-elles à tout type de sols et favorisent-elles des interactions avec les autres plantes? Les semences traditionnelles sont instables, comment alors maintenir l'héritabilité des plantes cultivées ?

1 Les semences sont en effet la clef de la souveraineté alimentaire. Elles représentent la richesse des peuples car elles apportent un bien-être économique, social, culturel, alimentaire, environnemental et médicinal. Elles garantissent une identité propre à chaque peuple et procurent l’autonomie et l’indépendance vis à vis des multinationales qui tendent à uniformiser l’individu en lui vendant les mêmes produits alimentaires, médicinaux et autres, ce qui tue cette identité. Les paysans sont obligés d’acheter leurs semences aux fournisseurs agréés par les gouvernements.

Le problème est que ces fournisseurs produisent des graines hybrides et OGM *( 1). Elles ne sont pas reproductibles et elles sont nuisibles pour la biodiversité;

 Ces semences dont l’ADN est trafiqué, vont par l’intermédiaire des insectes pollinisateurs, contaminer les variétés non manipulées. Depuis l’apparition de l’agriculture, les paysans et paysannes ont créés des variétés adaptées à leur environnement local. Elles sont productrices, résistantes aux maladies, peu consommatrice d’eau et riches en nutriments. Les grands semenciers agréés par les états obligent donc l’achat de semences pour chaque nouvelle culture et vendent leurs engrais et pesticides pour garantir une bonne production. C’est un business bien huilé ! Pour produire des graines viables, seuls les paysans peuvent être efficaces car ils travaillent sur le lieu de production en tenant compte du terrain, du climat et de l’environnement local. 

Dans certains pays d'Afrique, des initiatives ont donné des résultats favorables comme - la mobilisation des services de vulgarisation pour la promotion des semnces - Une plateforme multi-acteurs pour favoriser communication et demandes - des champs école pour une meilleure utilisation des semences. Est ce que cela pourrait-être applicable aux Iles Marquises?

Des services de vulgarisation pour promouvoir les semences locales auraient un effet évidemment positif. Aux îles Marquises, avec le soutien de la commune de Taiohae, nous mettons en place ce genre de projet. Le constat est que la population réagit très positivement. Outre la production de semences locales, nous proposons des formations agricoles et accueillons les écoles et centre de formation agricole dans notre structure. Il y a une forte demande vis à vis de la population dans son ensemble. Par ailleurs, le ministère de la santé a déjà - à petite échelle et suivant leur compétences – mis en place un jardin potager démonstratif, accessible au public.

Prenons le cas des îles Marquises :

on sait qu’à l’arrivée des premiers habitants, la flore ne permettaient pas de nourrir les populations. Ces îles sont trop éloignées de tout continent pour être pourvues des plantes nourricières. Ce sont donc les hommes qui au fil du temps, ont importés des semences pour garantir une palette alimentaire nutritionnelle efficace. Ils ont donc créé une biodiversité alimentaire qui leur ont permis de vivre en bonne santé de façon autonome.

Dans les pays du tiers monde, les organisations mondiales n’ont toujours pas réussit à endiguer les problèmes de la faim ni du manque d’eau, contrairement à la pratique de l’agro-écologie familiale. En ce qui concerne l’échange et/ou la vente de semences, il faut savoir que la loi interdit uniquement de nommer ces semences avec le même nom que celui utilisé par les semenciers et qui sont inscrites au catalogue. Nous avons tout à fait le droit de vendre des graines de tomates en leurs donnant un nom différent et à partir du moment où la variété n’est pas identifiée de façon génétique. Car les grands semenciers s’efforcent de s’approprier les molécules de telles ou telles plantes. D’où l’intérêt de sauvegarder les variétés locales. Au Togo, les exploitations agricoles de grande envergure sont responsables de la déforestation et de l’expropriation des populations. Aujourd’hui, l’agro-écologie familiale permet aux populations de ré-enrichir leur patrimoine environnemental. Ils retrouvent une biodiversité riche, endiguent petit à petit les problèmes de manque d’eau, et retrouvent une économie locale qui est bénéfique pour tous. Les plantes sont des êtres vivants, tout comme les êtres humains elles possèdent un ADN qui est leur héritabilité. C’est leur logiciel de base et au fil du temps et des conditions environnementales, elles évoluent pour devenir plus résistantes et plus performantes. C’est le principe naturel de l’évolution. Les petits paysans qui respectent les cycles naturels sans changer l’ADN des plantes, ne font que donner un coup de pouce aux plantes qu’ils cultivent. Les grands semenciers par contre, manipulent génétiquement les plantes pour satisfaire des besoins sans tenir compte des cycles naturels. Ils ne tiennent pas compte des conditions environnementales propres à chaque région du monde. Ils vendent des semences produites en milieu stérile pour les cultiver aussi bien en Afrique qu’en Inde par exemple. Cela ne peut fonctionner car contraire à ces cycles environnementaux naturels propres à ces pays. Les paysans font de moins en moins confiance aux semences améliorées par des scientifiques qui ne tiennent pas compte de ces principes. Aux Îles Marquises, nous rencontrons une forte demande de la part des petits agriculteurs pour un retour aux semences paysannes. Notre projet de création d’une unité de production de semences locales et d’une banque de semences, est vraiment bien accueillit. Il y a une réelle prise de conscience vis à vis de l’intérêt d’avoir des semences reproductibles, adaptées localement, saines pour la consommation et pour l’environnement, de pratiquer une agriculture qui respecte les cycles de la vie, et par là même, de se réapproprier une souveraineté alimentaire.

Pour finir, le mot de la fin, des conseils, sur quoi s’appuie ta philosophie de vie ?

A force de voyager, on prend conscience des problèmes mondiaux liés à l’alimentation, l’accès à la santé, la déforestation et les pollutions engendrées par les activités humaines. Le pire est de constater que dans les pays « riches » et soit disant « développés », ces problèmes sont tout aussi existant. Quand je me suis arrêté en France en 2006, j’ai été confronté au chômage et aux problèmes d’accès à la terre et au logement. Mon frère et moi avons donc naturellement pris la décision de nous regrouper pour louer une maison avec un terrain et produire nos aliments – fruits et légumes – nous même. L’idée étant que ce que nous ne pouvons pas acheter, nous pouvons le produire. Cela nous permettant par ailleurs d’avoir accès à des aliments sains et donc de préserver notre bonne santé. En constatant les problèmes liés à l’accès et la production de semences, nous avons décidé de produire nous-même nos graines. Et comme nous étions sans emploi, nous avons décidé de créer une association pour rester socialement connectés d’une part et pour faire profiter de nos expériences avec le public d’autre part. Cela nous a permis de nous sentir utiles, « existant », et le plaisir de partager puis de recevoir une reconnaissance de la part des autres, apporte une satisfaction hautement gratifiante. Je n’ai pas pour habitude de donner des conseils, car ils sont en général dérangeants et mal reçus. Par contre, en montrant l’exemple, les gens s’intéressent et se rapprochent de vous naturellement. Ce que je peux dire, c’est que l’union fait la force ; c’est en partageant nos expériences, nos savoirs et nos connaissances, que l’on améliore nos conditions de vie. C’est ainsi que l’humanité s’est construite…

Merci Yann pour cet entretien, pour cette implication réelle mais surtout pour ce partage… A titre perso, je dirais que Yann est encore un qui a toujours répondu favorablement à mes demandes malgré son travail prenant….Belle communication, beau partage, belle âme….. merci pour tout cela.

RAPPEL DE LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE

Ces droits lorsque respectés garantissent que les personnes passent avant les profits et que les petits agriculteurs prennent la place qui leur revient dans les systèmes de production et de distribution alimentaire.

INFOS SUPP: 

1 Les semences hybrides sont un type de semences fermières issues de croisements de variétés dites de « lignée pure » qui offrent les avantages complémentaires des deux spécimens croisés (plus grande résistance à la sécheresse, aux intrants chimiques, plus hauts rendements etc.). Mais les propriétés nées du croisement disparaissent lorsqu’on les réutilise. Ce mode de sélection accélère encore un peu plus le phénomène d’érosion génétique..Les dernières nées sont les semnces OGM qui ouvrent la voie au brevetage du vivant.On ne fait pas simplement que les croiser, on introduit les genes d’un autre organisme (pas nécessairement vegetal) afin que les plantes poussent sans eau…. Ces OGM, flanqués d’une floppée d’intrantschimiques dérivés du pétrole tolèrent mal la diversité et réduisent drastiquement le nombre de variétés cultivables

RETROUVEZ LES ACTUALITES DE YANN ET ADAAE

La chaîne youtube des associations ADAAE-ASE et ADAAE Vahakekua

 ADAAE -ASE est une association qui œuvre pour l’autosuffisance alimentaire et qui s’est d’ores et déjà engagé dans de nombreux projets.

https://www.youtube.com/channel/UC-lLb3_jzy4fBfjISIFNmZQ?view_as=subscriber

La page FB :https://www.facebook.com/adaaeyann/

 Le site : http://www.adaa-ase.com/

POUR EN SAVOIR DAVANTAGE

 

La graine représente le plus élémentaire des facteurs de production pour un paysan, la base absolue de toute mise en culture Le droit aux semences est au cœur du projet de Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones Rurales. Nombre de pays du sud sont désormais convoités par des multinationals semencières et chimiques. Ces dernières mettent en oeuvre un lobbying pour modifier les legislations en leur faveur dans les pays en développement. Face à cette situation, il est urgent de reconnaître et sécuriser le droit aux semences en lui donnant la valeur d’un droit humain. Ce droit, d’abord coutumier, commence à être reconnu formellement. Mais les règles actuelles sont infiniment moins protectrices pour les paysans que les législations relatives aux droits de propriété intellectuelle ou à la commercialisation des semences, favorables aux puissantes multinationales semencières.

La promotion croissante des investissements privés dans l’agriculture pour, soi-disant, combattre la pauvreté est un autre cheval de Troie de l’industrie semencière. Citons les actions dédiées à l’Afrique comme la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, lancée en 2008 par les pays du G8 ou encore Grow Africa. Ces initiatives reposent sur des projets d’investissements portés principalement par des multinationales.

Certaines d’entre elles, telles que Monsanto, DuPond, Syngenta et Limagrain, dominent le secteur semencier. Les semences OGM, issues du monde de la recherche en biotechnologie, font l’objet d’un brevetage généralisé et ne peuvent être plantées une seconde fois sous peine de lourdes amendes. Selon la FAO, 75 % des variétés cultivées ont disparu en un siècle. Si la diversité permettait de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, de limiter les pertes en cas de maladie, de changement climatiques ou d’invasion d’insectes, les variétés anciennes avaient également des qualités nutritives importantes. L’appropriation des savoirs paysans par l’industrie semencière constitue donc à la fois un risque environnemental et sanitaire, autant qu’une menace pour la souveraineté alimentaire.

https://www.bastamag.net/Les-semences-et-les-plantes-propriete-exclusive-de-l-agro-industrie

https://www.youtube.com/watch?v=fnasEz1SVxE

http://www.alimenterre.org/sites/www.cfsi.asso.fr/files/1094-fiche-them-4-semences-biopiraterie-mise-en-page_0.pdf

http://www.alimenterre.org/ressource/fiche-pedagogique-film-guerre-graines

bottom of page