DES HOMMES & DES PLANTES
ERIC DE RUEST
Bonjour Monsieur De Ruest, Tout d'abord, pourriez-vous vous présenter au public? Qui est Monsieur De Ruest? quel fut votre parcours? qu'est ce qui a ponctué ce parcours ?et comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à l'aromathérapie et à la phytothérapie?
Eric De Ruest est mon nom. Deux faits qui remontent à mon enfance auront été centraux dans mon parcours : J’ai d’abord eu la chance de vivre relativement librement à la campagne, à une époque où les parents laissaient courir leurs enfants en liberté, sans trop de craintes. J’ai donc pu longuement vivre au contact de la Nature et j’en ai gardé une connexion toute particulière pour les odeurs de la forêt, des chemins le long des champs en été. Je me suis toujours senti plus curieux et amoureux du monde végétal que de celui animal. Le second temps fort de mon enfance aura été une série d’expériences aux frontières de la mort (EFM)*.Ces expériences revêtaient un type particulier, défini par l’équipe du cardiologue Pim Van Lommel dans leur étude publiée dans la revue « The Lancet »1. Il s’agit d’EFM sans traumatisme, vécus par 2 % des expérienceurs EFM atypiques qui comportent de nombreuses autres phases communes à ce genre d’expérience. Entre l’âge de 5 et 8 ans, j’ai franchis de très nombreuses fois le tunnel de lumière peu de temps après que mes parents m’aient mis au lit. Cette multitude de voyages similaires aura gravé au fer rouge dans ma chair l’existence de réalités alternatives, souvent effrayantes et d’entités parfois terribles. J’ai compris l’intérêt de ces nuits singulières beaucoup plus tard en partant à la rencontre des guérisseurs en Amérique du Sud. Ceux-ci étant aussi confrontés à des entités négatives et puissantes dans leurs soins. Il fallait que je comprenne en quoi la maladie n’est pas seulement affaire de microbes, loin s’en faut. Leur immense savoir sur le monde végétal m’aura incité à m’immerger pleinement dans l’herboristerie traditionnelle en 2012, au-delà de la simple matière scientifique.
Que recherchiez-vous à travers vos activités? Était-ce ,déjà un préambule à un de vos enseignements reçus lors de votre périple chez les incas, à savoir sortir de sa zone de confort?
Le voyage auquel vous faites allusion ici à eu lieu en ce début d’année 2017. Je suis parti 10 semaines au Panama puis au Pérou à la rencontre de guérisseurs traditionnels. Je savais que ce voyage devait avoir lieu pour améliorer mes connaissances médicinales, mais je le repoussais pour les mauvaises raisons habituelles. Pas le temps, pas les moyens… J’étais pris dans l’étude des huiles essentielles et le développement du site que je leur ais dédié2. Je considérais qu’il était impossible de partir pour le moment, enfermer dans les barrières que j’avais moi-même élevées, celles que l’on appelle « zone de confort ». Mais la vie est facétieuse et une série d’événements, d’abord considérés comme négatifs, m’ont obligé à boucler mon sac et à prendre ce fameux billet pour le contient américain. Cette série de revers aura été un terreau fertile pour méditer durant ce voyage sur deux axes important de l’expérience : les synchronicités et la zone de confort.
Vous nous avez transmis vos connaissances en aromathérapie. Au moment de l'émergence de l'aromathérapie, celle-ci était plus axée sur le soin physique. Par la suite, s'est développé l'aspect émotionnel de l'aromathérapie. Est-ce que l'aromathérapie émotionnelle n'est pas le préambule à l'aromathérapie physique? D'abord soigner l'esprit puis par la suite soigner le corps? Quel ordre serait le plus judicieux, selon vous?
L’usage des huiles essentielles est très ancien. Les prêtres égyptiens y avaient recours lors de cérémonies pour plaire aux Dieux. Les femmes pour leur pouvoir de séduction. Les guérisseurs, mais aussi les embaumeurs, pour leurs vertus antiseptiques et antibiotiques. L’usage des plantes distillées s’est ensuite perfectionné tant pour un usage sanitaire que spirituel. L’étude rationnelle des huiles essentielles a connu un essor avec l’évolution de la chimie moderne. Cela aura permis de mettre en lumière les différents chémotypes développés par les plantes et leurs mécanismes dans l’amélioration de nombreux problèmes de santé.
Mais les huiles essentielles sont des substances subtiles qui dépassent l’interprétation biochimique ; elles accompagnent le malade sur le plan émotionnel à travers le cerveau limbique, récepteur non-analytique des odeurs. En d’autres termes, elles sont capables d’agir en profondeur sur nos émotions de façon inconsciente. Et de modifier nos comportements. C’est une pratique à double tranchant, lorsqu’elle est utilisée par des personnes peu scrupuleuses. Comme dans le cas du marketing olfactif qui pousse à la consommation3. En aromathérapie émotionnelle respectueuse de l’individu, nous avons recours à ces odeurs pour accompagner la personne en souffrance sur son chemin de guérison. Ce qui permet une guérison physiologique durable.
Les dysfonctionnements des organes sont souvent dus aux émotions non exprimées/gérées: la phytothérapie en ce sens a des vertus équilibrantes sur les émonctoires, donc pouvons-nous dire que la suite logique pour un corps et un esprit parfaitement sain est l'aromathérapie, les deux (phytothérapie et aromathérapie) fonctionnant de façon complémentaire? Ou l'aromathérapie interviendrait elle en premier?
Dans mon étude globale de la santé j’ai observé, comme bien d’autres personnes s’en sont rendu compte avant moi, qu’un dérèglement émotionnel engendre souvent un dérèglement physique. C’est aussi ancien que la médecine. Partant de ces observations, la théorie des quatre tempéraments est née sous l’impulsion d’Hippocrate qui le tenait lui-même de connaissances plus anciennes encore. Et cette classification, débarrassée d’anciennes superstitions, s’avère un outil de connaissances utile pour les thérapeutes d’aujourd’hui. En effet, à chaque tempérament ses émotions directrices et les maux qui en découlent. Prenons l’exemple des nerveux, j’en ai croisé de nombreux qui souffrent de troubles digestifs. La médecine moderne n’y verra qu’un problème digestif. Nous, nous travaillons sur la sphère émotionnelle du nerveux et obtenons des résultats durables. Quant à savoir sous quelle forme les plantes doivent être utilisées, cela se définit au cas par cas. Phytothérapie ou aromathérapie ? Tout cela dépend de la réalité de la personne, de son rythme de vie, de ses besoins. Maintenant, un ancien domaine d'expérience humaine revient en force et est remis au goût du jour: il s’agit de la spagyrie ou alchimie végétale qui combine les deux.
Théorie des 4 tempéraments sous Hippocrate, les 5éléments dans la médecine ayurvédique, les 5 éléments dans la médecine chinoise? Les deux dernières s’enracinent plus dans tout ce qui est dans l’univers et sont des emblèmes de tout ce qui régit notre terre ( éther bois air feu terre etc )dans le serment d'Hippocrate plus essentiellement sur les émotions et leur combinaison harmonieuse....Etes-vous d’accord avec cela?
Oui, la médecine traditionnelle à de tout temps intégré la relation de l’Homme au Cosmos et les interdépendances qui en résultent. Les amérindiens appellent cela la Cosmovision. La science moderne, surtout en France et en Belgique, peine encore à oser intégrer les possibilités vibratoires et énergétiques dans le champs d’études dites sérieuses. Alors que dans les domaines de recherche de pointe, le scientifique commence à comprendre que l’ensemble des formes de l’Univers constitue un tout. Qu’il est un mouvement unique et indissociable prenant corps sous forme d’équations et rejoignant par-là les savoirs des anciens.
Vous parlez de l'alchimie des plantes, Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette alchimie?
L’alchimie végétale moderne, ou spagyrie, est le retour naturel vers un élargissement de la compréhension du monde. En occident, nous nous sommes pleinement concentré sur la matière, en mettant de côté la partie invisible du monde, et notre humilité. C’est un domaine d’expérimentation qui replonge ses racines dans les pratiques anciennes des médecins des grandes civilisations. Chinois, Indiens et Arabes ont intégré l’alchimie dans leurs sciences médicales. Aujourd’hui, nous séparons les divers éléments de plantes pour les concentrer et les recombiner, afin d’obtenir des élixirs plus complexes et puissants, sans dénaturer les plantes comme le font les médicaments. Nous étudions l’effet synergétique des plantes pour voir à quel point les résultats sont meilleurs, durables, et capable d’accompagner une personne vers une réelle transformation d’elle-même, condition incontournable pour éviter la rechute.
A travers votre périple au Pérou, avez-vous évoqué avec les andins ou avez-vous été confronté à des situations où la déforestation a eu à mettre en péril la présence de certaines plantes?
C’est malheureusement une situation globale, et toujours pour de mauvaises raisons. Commerce de la drogue, extraction pétrolière, etc. De nombreuses plantes ont déjà disparu depuis l’accélération de la dégradation des conditions nécessaires à une biodiversité dynamique. C’est un drame dont nous mesurons encore mal l’importance.
L'apprentissage des connaissances des plantes médicinales au Pérou suppose-t-il vraiment l'ingestion de mixture hallucinogène comme l'a relaté Carlos Castaneda dans certains de ses livres?
Non, il est tout à fait possible de rencontrer des monuments de savoirs en phytothérapie traditionnelle sans avoir recours à ces substances. Certains herboristes de là-bas y sont même opposé. Non pas qu’ils estiment ces substances néfastes, mais plutôt parce que le tourisme psychédélique devient problématique. Problèmes de sur-consommation des plantes nécessaires à la préparation de ces breuvages sacrés. Problèmes aussi parce que cela génère une industrie qui perverti l’esprit même de ces plantes. Et enfin, puisque l’on parle ici de l’ayahuasca, parce que c’est une liane considérée comme terrestre qui tire donc l’expérienceur vers la terre, alors que tant d’autres plantes maîtresses élèvent vers le céleste.
La connaissance des plantes médicinales continue-telle de se transmettre de génération en génération ou est-elle en train de s'étioler au profit des médecines occidentales?
Question complexe qui nécessiterait une étude globale. Je pense pour ma part que les peuples d’Amériques du sud sont très fiers de leur héritage phytothérapeutique et que les savoirs continuent à se transmettre. Le danger pour moi est la destruction des communautés dues à la déforestation, et à l’acclimatation forcée due d’abord à la télévision, puis à une plus large échelle à l’Internet. Je pense également que nous sommes à une époque charnière qui voit un mouvement inverse. De nombreuses personnes ont à nouveau recours aux guérisseurs et autres chamanes quand la médecine moderne jette l’éponge, ou en complément de celle-ci. Aujourd’hui, ce sont encore plus de quatre milliards d’individus qui se soignent de façon traditionnelle, et ce chiffre est en constante augmentation. Je n’aime pas opposer médecine moderne actuelle et médecine traditionnelle. Le tout est dans l’utilisation judicieuse de ces deux approches complémentaires.
Ces voyages au Panama et au Pérou étaient-ils un début, une renaissance ou une étape vers de nouvelles aventures?
Je n’ai pas eu la sensation de renaître, mais bien celle d’accomplir une partie de mon destin. Et celui-ci est sans doute loin d’être fini. Dans cette vie ou les suivantes…
Comment allez-vous mettre à profit les enseignements tirés lors de votre voyage?
Quitter ma zone de confort le plus souvent possible car c’est au dehors de celle-ci que réside la magie de la vie. Me plonger dans la distillation et la spagyrie, ouvrages de références et pratique quotidienne. Et surtout méditation et connexion le plus souvent possible. Regarder dedans, s’écouter, s’aimer et apprécier l’expérience de l’incarnation. Prendre la route pour apprendre des rencontres qui surviennent. Elle sont souvent si nourrissantes quand l’intention est juste.
Donc bientôt des ateliers en perspective pour transmettre et partager vos connaissances?
C’est toujours un plaisir de rencontrer des esprits en quête de savoir et partager avec eux ce que j’ai découvert en chemin. Prochainement, je proposerai un cycle de conférences sur les influences extérieures qui favorisent la guérison ou, au contraire, induisent la maladie. Avec une première date le 6 juillet à Liège.
En faisant un bilan de votre parcours jusqu'à maintenant, quelle fut votre plus grande désillusion/ épreuve ou expérience et comment avez-vous transcendé, dépassé cette épreuve?
Il y a eu beaucoup de désillusions, et toutes étaient nourries de mes attentes en lieu et place de la réalité. Trop attendre des autres, c’est nier leur libre arbitre, leur personnalité. Aussi néfaste que celle-ci puisse paraître. Le jour où l’on accepte cela, la vie devient plus simple, bienveillante. Il est plus facile également de se séparer de relations toxiques plutôt que de se battre pour un changement illusoire. La liberté retrouve son sens et l’on savoure d’autant mieux la solitude. L’autre grande libération émotionnelle aura été de comprendre les vertus du pardon. Lorsque j’ai pu comprendre que tout pouvait être pardonné, absolument tout en regard à nos propres imperfections. Là, quelque chose de sublime grandit en nous. Nous déposons le fardeau de la colère et de la vengeance pour s’ouvrir à la compréhension de notre condition si souvent misérable et oh combien imparfaite. Nous soulageons nos relations familiales alourdies de petites rancœurs adolescentes envers nos parents, nos proches. Cela rejoint l’abandon des attentes que nous avions envers eux. Ensuite, vient l’expérience de voir jusqu’où l’on peut pardonner. Je me suis surpris à envoyer une méditation bienveillante de quatre heures au CEO de Monsanto. Sans colère, juste en comprenant le jeu malsain auquel il a accepté de jouer. C’est sans doute trop extrême pour beaucoup de personnes.
Pardonner à Hitler, Staline, Pol Pot, Zbigniew Brzezinsky ou Marc Dutroux. À chacun ses limites, son chemin de compréhension et d’empathie.
Quelle valeur primordiale détermine la colonne vertébrale de chacune de vos étapes, de vos activités, actions?
J’aime le respect. Il est une part importante de l’amour. Respecter l’autre, se respecter soi et avoir un profond respect pour la sagesse millénaire de la nature.
Quel conseil pourriez-vous donner aux nouvelles générations pour qu'elles sortent des sentiers battus et s'aventurent sur leur propre chemin?
Seule votre expérience compte. Faites-vous confiance, et expérimentez sans rien croire. Restez critique, même face à vos propres expériences pour éviter qu’elles ne se transforment en dogmes. Et les dogmes en conflits insolubles.
Comment se traduit votre défense de la biodiversité à travers votre amour des plantes?
Je prends soin d’acheter des plantes produites respectueusement, par de petits producteurs, dans la filière biologique. Avant de reprendre des études d’herboriste, je travaillais pour une ONG et ma spécialité traitait de la dette écologique. J’ai donc pleinement consacré mon temps à analyser des pratiques, et à produire des documents pour appuyer le respect des peuples indigènes et leurs savoirs ancestraux face à la prédation insensée des multinationales4.
Les plantes sont-elles un moyen pour parvenir à votre harmonie? ou votre quête de l'harmonie présupposait une approche avec les plantes?
Elles sont harmonie. Harmonie physique par l’alimentation riche en végétal d’un côté, harmonie émotionnelle de l’autre. Rien ne vaut une promenade en forêt pour me ressourcer, m’apaiser quand la vie devient trouble, agitée. Rien ne vaut un bon encens fait maison pour une séance de méditation.
LE MOT DE LA FIN: Merci pour avoir consacré du temps à cette interview qui, je l’espère, aura contribué à comprendre l’importance primordiale du monde végétale dans nos vies.
Définissez-vous en 3 mots
Respect – Compréhension - Évolution
Merci beaucoup Monsieur De Ruest, ce fut très instructif et très généreux de votre part d'y avoir consacré du temps et de nous avoir fait partagé vos expériences, votre philosophie de vie et enfin vos connaissances.
INFOS SUPPLEMENTAIRES
3) https://www.consoglobe.com/marketing-olfactif-quand-les-enseignes-nous-menent-par-le-bout-du-nez-cg
4) http://www.cadtm.org/La-dette-cachee-de-l-economie